Wednesday, February 22, 2017

Musa Jopull - KOSOVO


LA MÉMOIRE
Aucun voyage n'est inocent. Sur tout dans les Balkans, éternele champs de bataille.
(écrivé François Maspero)
Je fais de la politique sans être politicien, pour l'amour de mon pays, comme me le disait Rugova.
J'ignorais que les fleurs se cultivent, car dans le village où je suis né, à Alban, au nord du Kosovo, tout près de Podujeve, c'est la nature qui nous les offrait. Et c'est dans ce pays de fleurs que j'ai fait mes études et que je suis devenu professeur de littérature.
Mais j'étais devenu aussi un ennemi politique et je n'ai eu d'autre choix que de partir. "Te voilà libre, maintenant", me dirent des amis. Libre? Oui libre comme une larme dans l'océan. Libre? Oui mais perdu.
J'ai choisi la France. Pourquoi? Baudelaire y est certainement pour quelque chose.
À mon arrivée en France, la question que je me suis aussitôt posée a été : que puis-je faire pour mon pays?
Jamais, de l'ère préchrétienne à nos jours, le Kosovo n'a connu la liberté.
Pendant plus de vingt siècle, il fut une terre ocupée: par les Grecs, par les Romains,
par les ottmans et par les Slaves, jusqu'au printemps 1999.
Mais c'est quoi mon pays? Et qui sont les Albanais?
Un peuple de grande culture, une université à Durres dès l'année 1380... Mais à l'arrivée des Ottomans, l'histoire s'arrête; 5 siècles plus tard, au départ des Ottomans, 90% des Albanais sont analphabètes.
L'apparation des ottomans dans les Balkans
La rigueur du joug turc provoqua rapidement des révoltes, mais il fallut attendre Gjergj Kastrioti (fils de Gjon Kastrioti, grand seigneur albanais), dit Skanderbeg, pour aboutir à un soulèvement général. Le 28 novembre 1444, Skanderbeg proclama la restauration de la principauté libre d'Albanie. Pendant 25 ans, Skanderbeg s'opposa victorieusement à l'invasion ottomane. Il est important de noter que le drapeau qui
date du temps de Kastrioti, l'aigle à deux têtes, est aujourd'hui encore le drapeau national.
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Après la mort du héros albanais, le pays retomba sous la domination ottomane.
Pendant cette longue période malgré les nombreuses révoltes, le peuple Albanais est opprimé et survit en s'accrochant à son rêve, symbolisé par Gjergj Kastriot, le cœur des Albanais c'est leur drapeau et leur langue.
Être Albanais et être découpé en tant de terres, Macédoine, Serbie, Kosovo, Monténégro, Grèce, Albanie...
Pourquoi? Et comment vivre?
Et moi, Albanais du Kosovo, que puis-je faire pour mon pays? Mon pays déchiré, martyrisé par les expulsions, les emprisonnements, l'apartheid, les massacres.
En 1985, je rencontre Rugova à Paris; Nous nous interrogeons: comment faire savoir au monde ce que vivent les Albanais du Kosovo?
RUGOVA - Après avoir terminé des études en langue et littérature
albanaise en 1967, il s'est inscrit au séminaire linguistique de Roland
Barthes à Paris. " Ce sont dans ces moments-la où j'ai été "infecté" " "
par la démocratie", dira Rugova.
À partir de 1986, je me rapproche de la FIDH. Je fais la connaissance d'Antoine Garapon, secrétaire général . Je crée l'association Albakos, consacrée aux Albanais et tout particulièrement aux Albanais du Kosovo. C'est la 1ère association qui est affiliée à la FIDH.
Antoine Garapon se rend à plusieurs reprise au Kosovo avec une délégation FIDH/Albakos.
En 1989, il dénonce la situation dramatique au Kosovo dans un article au Monde Diplomatique.
Bernard Kouchner, Secrétaire d'Etat chargé de l'action humanitaire, m'a reçu et je l'ai convaincu de venir en aide aux Albanais du Kosovo. Des médicaments ont été livrés par Médecins du Monde et Pharmaciens sans frontières.
En 1989, le comité des droits de l'homme est créé à Prishtina, ainsi que la LDK (Ligue Démocratique du Kosovo); Rugova en est le Président.
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L'arrivée de Milosevic au pouvoir(1989) va rendre la situation totalement dramatique:
Suppression de l'autonomie du Kosovo
Licenciements en masse
- Fermeture des écoles, (plus de 450.000 étudiants albnais ont été expulsés de leurs institutions)
- Fermeture des cinémas et des théâtres
- Fermeture des journaux
- Arrestations
- Emprisonnements
- Déplacement de population
- Ségrégation dans une démarche de purification ethnique
En conséquence beaucoup d'Albanais quittent le pays.
Face à cette situation dramatique, je crée en 1992 le Comité Kosovo avec Antoine Garapon, Olivier Mangin (directeur de la revue Esprit), et Pierre Hasner (philosophe). Ont rejoint ce comité Pascal Bruckner, Alain Finkelkraut, Véronique Nhaume-Grape, André Glucksmann, Jöel Hubrecht, Muhamedin Kullashi, entre autres.
Dans le cadre de ce comité, je lance un appel à Antoine Garapon et Ismael Kadaré pour éditer un livre sur la question du Kosovo. Ce livre est le recueil des interviews de Rugova, réalisés par Marie-Françoise Allain et Xavier Galmisch et publiés par Fayard, l'éditeur de Kadaré en 1994. Ce livre est considéré comme majeur pour le Kosovo.
De 1981 à mars 1989, plus de 580.000 Albanais ont été convoqué par la police, 71.000 d'entre eux ont été condamné pour délit d'opinion. Et combien de morts ???
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Au moment où en Afrique du Sud l'apartheid comptait ces derniers jours, au coeur de
l'Europe , au Kosovo un autre naissait, les Serbes fermaient les écoles, les hôpitaux,
les bibliothèque, les télévisions et les médias, tout ce qui portait la marque albanaise.
C'était une des plus grandes aberrations de cette fin de siècle. Dans les débuts de
cet apartheid les jeunes ont été privés du droit de s'instruire.
C'est la raison pour laquelle, cette année-là, le problème ne se posait pas
sérieusement de savoir si le Kosovo allait échapper à la guerre, mais plutôt quand
la guerre allait éclater au Kosovo. Un an plus tard (1996) les premières exécutions
d'une "organisation fantôme", l'UÇK eurent lieu.Cela marqua une nouvelle étape pour
le Kosovo et sa politique extérieure.
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Cette armée s'était donnée pour but final de libérer le Kosovo de la politique
criminelle et de l'apartheid de Milosevic.
La Serbie envoya de nombreuses forces armées au Kosovo en prétextant de vouloir décimer l'UÇK, mais c'était trop tard. Une nouvelle guerre était proclamée au Kosovo.
Le 7 mars 1989 Adem Jashari (Comandent de l'UÇK fut tué , ainsi que presque la
totalité de sa famille à Prekaz dans une opération menée par les Unités spéciales de la
police serbe.
A Noël 1998, près de Podujeve l'armée serbe tua 16 Albanais ce qui rendait claire
sa politique qui était contre tout accord, ce qui confirma le massacre de Raçak le
15 janvier 1999, où 14 civils furent tués, parmi eux des enfants et des personnes
âgées. Le chef de la mission de l'OSCE, Wolker qualifia ceci de "crime contre
l'humanité". Ce crime médusa l'Europe encore plus.
La politique de Rugova et l'action de l'UÇK vont aboutir à l'intervention internationale.
Rambouillet
La folie qui dominait au Kosovo, et les "grands" discours des politiques serbes ont irrité la diplomatie européenne et surtout celle americaine. Cette ineptie de la politique serbe dirigé par le criminel Milosevic décida les alliés, surtout Clinton, Chirac, Blaire à intervenir au Kosovo pour arrêter la tragédie kosovare.
23.03.1999. Xavier Solana, secrétaire général de l’OTAN, donne l’ordre du lancement
des opérations aériennes.
24.03.1999. Premières frappes
Les bombardements continuèrent pendant 72 jours.
L’OTAN, triompha et fit la première entrée de ce genre au Kosovo. Les troupes de l’OTAN furent aussitôt suivies par le retour des Albanais expatriés.
900 000 Albanais ont étés déportés, depuis mars 1999.
500 000 à 600 000 ont étés contraints de fuir et d’errer à l’intérieur du Kosovo!
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J'ai été immensément soutenu dans ma démarche pour le Kosovo par Rugova et par tant d'autres.... députés, ministres, et même le Président de la République (à l'époque Jacques Chirac).
Tous ces soutiens m'ont permis d'aller toujours plus loin dans mon investissement pour le Kosovo.
Je les en remercie.
Depuis la libération du Kosovo en 1999, qu'avons-nous fait?
Et où en sommes-nous aujourd'hui?
Conclusion :
Il est quelque part normal que les Albanais dans les Balkans soient révoltés
Je sais qu’il est peut être encore tôt pour parler de tolérance mais pour le bien du
Kosovo il faut qu’elle vienne. Le nationalisme et la haine n’ont pas réussi à la politique
serbe ni à Milosevic, et cela ne réussira pas aux autres, encore moins aux Albanais.
Cette guerre, les Albanais ne l’ont pas voulue, elle leur a été imposée.
Le régime de Milosevic avait stoppé la vie de tout un peuple. C’est pour cela
qu’aujourd’hui le Kosovo a besoin de reconnaissance, de travail pour ne pas laisser
de place au désespoir ou à toute sorte de nationalisme.
Pour dénouer les tensions et donner fin au conflit long de 100 ans, entre les Albanais
et les Serbes. L’Europe doit prendre conscience du fait que Mitrovica ne peut pas être
partagée et l’on ne peut pas croire que les Américains, les Français, les Anglais, les
Allemands, les Italiens et les autres puissent permettre d’un nouveau mur de Berlin
n’y fasse son apparition.
A part Mitrovica, la Macédoine aussi demeure un point sensible.
Voilà pourquoi il ne faudrait pas qu’on s’attarde à des analyses sans fin. Les Balkans
ont plus que jamais besoin qu’on prenne leur probléme au sérieux et qu’on essaie d’y
remédier par une solution qui convienne à tous les peuples qui l’habitent, même si
c’est plus facile à dire qu’à faire.
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Si les nationalistes existent dans les Balkans, ils sont de deux sortes : un qui pousse
vers de nouvelles occupations, et l’autre qui tente de s’en libérer. Les albanais se
campent dans le deuxième, voulant se dégager des tutelles qui les administraient
pendent des décenie !
Espérons que cette tragédie et cette guerre soient les dernières, espérons que les déportations s’arrêteront là.
Puisse le Kosovo devenir un exemple de paix, un point de liaison et une porte de paix dans le vieux Continent un symbole de l’amitié des hommes entre l’Est et l’Ouest, entre le Nord et le Sud.
Kosovo est un nouvel État, qui a besoin de notre soutien.
C'est un État laïc, profondément européen.
Je lance un appel solennel aux pays de l'Union Européenne: l'Espagne, la Grèce,
la Roumanie, la Tchéquie et Chypre pour qu'ils reconnaissent le Kosovo en tant
qu'État.
Car la liberté est la seule qui puisse lier les peuples d’amitié.
Les relations entre les Européens et les Albanais doivent se décupler, car ces derniers en ont plus que jamais besoin, non pas uniquement du point de vue militaire et humanitaire, mais aussi du point de vue intellectuel, des institutions, des écrivains, dont le Kosovo est si avide.
Les albanais ont besoin de traductions d’œuvres diverses dans d’autres
langues, pour faire connaitre sa culture sa philosophie, sa pensée et ses idées.
Ecrire sur le Kosovo, sur les albanais, n’est pas seulement une envie, mais c’est
plus un besoin, besoin de faire connaitre ce peuple et sa tragédie, shakespearienne.
La circulation libre sur une terre libre nous fait crier avec conviction :
« Plus jamais ça “ !
Musa Jupolli,20.02.2017

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